Son vendeur de mari avait tant fait d’affaires,
Tant vendu ce jour-là des petits bouts de fer
Qu’il était d’venu millionaire,
Et l’avait amenée vers les cieux toujours bleus
des pays imbéciles, où jamais il ne pleut,
Où l’on ne sait rien du tonnerre…
/ G. Brassens: L’orage
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… » Il n’avait pas plu depuis plusieurs semaines, et nous commencions tous à en ressentir une fatigue intense. Les chiens restaient endormis, affalés sur les dalles, les chats ronchonnaient de concert et se traînaient d’une piece ombreuse à l’autre, l’espérant plus fraîche, et les oiseaux n’en finissaient pas de piailler en désarroi.
Les animaux sont les premiers touchés par l’absence d’eau, et j’avais beau leur servir de larges rasades, remplir plusieurs fois le bain heureusement placé à l’ombre d’un grand parasol, et les asperger copieusement sous le jet d’arrosage, mes animaux familiers me regardaient consternés et hautains. Leur regard m’assuraient qu’ils ne s’y laissaient pas prendre : ils voulaient de la pluie, une pluie bienheureuse, fraîche et douce et dense et voluptueuse ; de celle qui tombe du ciel et non d’un arrosoir.
Le ciel, au soir, se constellait d’étoiles, tournoyantes dans le bleu marine des nuits d’été. Au petit matin, quelques minutes avant le jour, la chaleur montait déjà du sol par bouffées lourdes, avec des senteurs de plantes sèches, des romarins grillés, des lavandes rôties, des feuilles de figuier torturées de soif.
Levée tot, et pieds nus sur les dalles où subsistaient quelque illusoire fraîcheur, j’allais ouvrir fenêtres et portes, espérant le courant d’air qui rafraîchirait la maison. Au cafe, au thé, à tout se qui se boit chaud et fumant je préférais le glaçon noyé dans le jus d’orange.
Heureusement, à mes pieds, il y avait la mer … «
Elle se tait. Je sais qu’elle n’en dira pas plus. Le reste, je le reconstitue sans peine, en ramassant les fragments de ses récits, de tout ce qu’elle m’a raconté, cette vie insensée, cette existence de voyageuse, cette découverte d’autres horizons, loin, plus loin, encore plus loin, toujours plus loin sous le soleil d’abord ; dans le vent et la pluie, plus tard. Puis dans la neige, jusqu’à cette maison de bois, à l’orée du Canada.
– Et tu ne la regrettes pas un peu, la mer ?
– J’ai l’océan, dit-elle, ça remplace. Mais bien sûr, il n’y a pas la chaleur, l’eau est froide ici, et les parfums sont nuls. Nous irons cet après midi, si tu veux. Tiens, allume la télé, et voyons ce que dit la météo … »
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lmg / 19 août 2016